Passer au contenu principal

Accueil / Citoyens / Patrimoine / Espace #PatrimoineVDQ / 2018 / Chronique toponymique : avenue des Voiliers

Patrimoine

Chronique toponymique : avenue des Voiliers

18 septembre 2018

Texte de Sarah Marcotte-Tambo

Cette chronique mensuelle rend hommage aux histoires cachées derrière les noms de lieux à Québec. Chaque mois, un auteur émergent soutenu par Première Ovation s’inspire du patrimoine pour créer de courtes œuvres où le réel croise l’imaginaire. Aujourd’hui, (re)découvrez la poésie de l’avenue des Voiliers, à Sillery.

Avenue des Voiliers

Marées

Tu pars la voile légère la marée lourde les vents hauts et forts. D'ici les flots obscurs enrubannés d'une crinière blanche sont une seule et même bête noire. De celles qui se tapissent, patientes, et qui d'une bouchée une seule aspirent en leur ventre les hommes par dizaines. Patientes. Comme celles qui attendent sur les rives. Celles qui vivent et font vivre. Remplissent les ventres et caressent le leur. Celles qui tiennent tête aux horizons moqueurs, cueillent en bouquets sauvages les espoirs semés par mégarde à la veille de tous les départs. Tous les voiliers traversent le fleuve. Le tien a le mât fier, la voile immaculée, la proue déterminée. C'est sans peur de rien qu'il prend d'assaut les eaux. Avec ton cœur à la barre et ton âme au creux de la cale.

Archives de la Ville de Québec, N020371.

À ciel insouciant bercé par la houle lasse et les clappements du fleuve contre le bois, de vents et souvenirs, tu reviens. La bête matée se fait discrète au pied du spectre de ton vaisseau. La coque pleine d'ombres. Tous les voiliers reviennent à bon port, ou y aspirent, naïfs un instant à la vue du tableau familier, ce paysage que l'on appelle aussi chez soi. La voile hissée à l'appareillage s'abat une fois la nef accostée et alors reprend, résigné, le tangage du pendule. Mais les rives changent. La campagne s'incline sous les toits déployés, la flore s'asservit, les villes tendent leurs routes. Les hommes vivent, les hommes meurent. Une forêt courbe l'échine et lui succède un champ de stèles et de tombes. Quand au berceau d'un ventre, obstinée, une promesse bourgeonne.

Tu pars la voile basse la marée douce les vents éteints.

Québec ville de littérature UNESCO

Retour