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Patrimoine

Chronique toponymique : côte d'Abraham

18 mai 2018

Texte de Anthony Charbonneau-Grenier

Cette chronique mensuelle rend hommage aux histoires cachées derrière les noms des rues et parcs de Québec. Chaque mois, un auteur émergent soutenu par Première Ovation s’inspire du patrimoine pour créer de courtes œuvres où le réel croise l’imaginaire. Ici, découvrez l’histoire d’une côte très fréquentée à Québec.

Côte d'Abraham

Regard augmenté

Côte d'Abraham

C’était le mois de janvier et nous revenions d’une énième conférence sur le numérique. Alors que nous amorcions la descente vers la basse-ville, l’ami à mes côtés s’appliquait à démonter point par point les idées du conférencier.

− Ce ne sont pas des expositions 3D et des lunettes en carton qui feront que les gens s’intéresseront à nouveau aux musées!

À la hauteur de la coopérative Méduse, l’état du trottoir nous empêcha de poursuivre la marche côte à côte. Une mince tranchée s’était formée entre les remblais de neige gelée et la façade des édifices. S’aventurant en premier dans la brèche, l’ami se désola :

− Quand je pense que fût un temps, toute la côte appartenait aux marcheurs!

− C’est-à-dire?

− Tu ne sais pas? Tout le coin — des Plaines jusqu’à la pointe aux Lièvres — a jadis appartenu à un homme nommé Abraham Martin! On raconte qu’il faisait paître son bétail sur les Plaines puis qu’il descendait la côte pour aller le désaltérer dans la rivière Saint-Charles.

L’image me fit sourire. Il y avait quelque chose de surréaliste à imaginer un homme en habits d’époque descendre paisiblement cette route à quatre voies, longeant la double ligne jaune suivi par un troupeau ruminant. Soudain, le bruit des bêtes se mêlait à celui des voitures passant à toute allure. L’herbe et la terre battue se laissaient deviner sous l’asphalte. Les bâtiments de la côte, si ternes en ce soir d’hiver, et la basse-ville se trouvaient balayés par un vent printanier. Je me souviens m’être demandé si les vaches, pour atteindre la rivière, empruntaient Dorchester ou de la Couronne. Traversaient-elles, de leur pas nonchalant, cette intersection du boulevard Charest où on déplore maintenant chaque année des accidents graves impliquant des piétons ou des cyclistes? Quelle tête feraient les gens du centre-ville, aujourd’hui, s’ils voyaient défiler pareil cortège à travers les fenêtres des cafés et des restaurants « apportez votre vin »?

L’ami m’avait devancé dans la descente et attendait désormais au pied de la côte. Peut-être avait-il surpris ma rêverie. Alors que je le rejoignais, il dit haut et fort, pour enterrer le vacarme des voitures :

− Le summum de la réalité augmentée, c’est et ça restera toujours la culture!

Québec ville de littérature UNESCO

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