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Patrimoine

Curieux objets - L'art populaire

19 septembre 2019

Texte de l'historien Jean Provencher

Savez-vous que la Ville de Québec possède une collection de plus de 15 000 objets? Chaque mois, découvrez un pan méconnu ou inusité de l’histoire de notre municipalité grâce à cette série de chroniques signées par l’historien Jean Provencher.

Le raquetteur de François van Luppen

Un raquetteur pour ouvrir un nouveau créneau sur le site internet de la Ville de Québec? Absolument. Et l’une des belles pièces des collections de la Ville. Qui la connaît d’ailleurs? Il s’agit d’une sculpture de plâtre polychrome produite en 1877 par l’artiste belge François van Luppen (Anvers, 1838 — Bruxelles, 1899).

La raquette est un des apports amérindiens dans la civilisation québécoise. Sans cet outil de déplacement, il aurait été malaisé de se déplacer dans les hivers de grande neige que nous connaissons. Et, durant les années 1840, avant les premiers carnavals, on imagine l’utiliser pour pratiquer un sport hivernal : la course et surtout la marche.

En créant son personnage, van Luppen faisait œuvre d’art populaire. Là aussi, les Amérindiens furent les premiers artisans, les premiers artistes même, à fabriquer des objets de la vie courante dans de la matière dure, ou à dessiner des pictogrammes. Au nord de Forestville, sur la Côte-Nord, sur le site Nisula ou Pepechapissinagan, on trouve de nombreuses peintures rupestres, dont quelques figures à forme humaine peintes avec de l’ocre sur une paroi rocheuse, qui remontent à plus de 2000 ans.

Au 19e siècle, deux personnages de Québec furent remarquables en art populaire : Jean-Baptiste Côté et Louis Jobin. Côté, le premier, gagnerait à être connu aujourd’hui. Mario Béland, conservateur de l’art ancien, au Musée national des beaux-arts du Québec [MNBAQ], nous a proposé sa biographie dans le Dictionnaire biographique du Canada. Né dans le faubourg Saint-Roch en 1832, il y passe toute sa vie jusqu’à son décès en 1907.

Architecte de formation, la sculpture navale l’attire davantage, son père étant charpentier de navires à l’emploi de Narcisse Rosa. Dans la vingtaine, Jean-Baptiste réalisa divers genres de sculptures pour les proues et les poupes, dont des nymphes, figures féminines en pied. Durant les années 1870, le déclin de la construction navale l’amène à se tourner vers l’enseigne commerciale et les monuments funéraires. Aussi façonne-t-il des Indiens comme enseignes de tabagie, des pleureuses pour les cimetières et des anges de corbillard. Il fabrique aussi des animaux pour la crèche qui deviendra la plus renommée de la région de Québec, celle de l’église de Saint-Sauveur de Québec. Le MNBAQ possède une œuvre de Côté, les Rois Mages.

Mario Béland affirme qu’on lui doit également des types populaires, comme l’habitant, le raquetteur, le bûcheron, le pêcheur et le chasseur. Il fut aussi un sculpteur animalier sans pareil, et sans doute le plus fameux du 19e siècle.

Béland est aussi l’auteur de la biographie de Louis Jobin (1845-1928) dans le Dictionnaire biographique du Canada. Formé à Québec à l’atelier du sculpteur François-Xavier Berlinguet durant les années 1860, Jobin séjourne pendant cinq ans à Montréal où il apprend la production de statues religieuses. De retour à Québec en 1875, ce domaine sera son marché le plus lucratif. Il fabrique des statues pour plusieurs églises de la grande région de Québec et développe aussi la statuaire d’extérieur de grand format et recouverte de métal. Grâce à cette spécialité, il occupe bientôt la meilleure place en ce domaine, alors que ses ouvrages imitent les œuvres en bronze des concurrents.

Dès 1880 et au fil du temps, on remarque sa présence dans de grands défilés pour lesquels il fabrique des chars de procession. Pour les premiers carnavals d’hiver à Québec en 1894 et 1896, il taille quelques sculptures sur glace. Le biographe Béland écrit que cette figure marquante de son temps sut faire preuve d’une adaptation et d’un flair hors du commun tant à l’égard des besoins de son milieu que des lois du marché.

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