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Patrimoine

Lairet et Maizerets: les projets résidentiels du 20e siècle qui ont transformés ces quartiers

23 avril 2025

Par Jeanne Pleau et Rosalie Simard, agentes de recherche en patrimoine

À la suite de l’annexion de la Ville de Limoilou à la Ville de Québec en 1909 et du prolongement de la ligne de tramway, les quartiers de Lairet et de Maizerets connaissent une importante phase d’expansion avec plusieurs projets d’ensemble résidentiels planifiés. Ces quartiers offrent un nouveau mode de vie, loin de l’entassement des faubourgs. Les terrains y sont généralement plus grands et les bâtiments doivent être construits à une distance précise de la chaussée, pour permettre la présence d’un aménagement paysager en cour avant. Plusieurs projets, comme celui de la Quebec Land Company et la compagnie du Parc Maufils, dessinent même les rues en suivant un plan en damier inspiré de Manhattan. 

Ces différents projets, qui s’étirent du début jusqu’au milieu du 20e siècle, se différencient les uns des autres par les styles de bâtiments construits et les types de clientèles qu’ils attirent. Cet article met de l’avant ces différences, parfois subtiles, ainsi que l’évolution de ces projets immobiliers. 

1906: Lotissement à l’américaine par la Quebec Land Company

La trentaine de rues et d'avenues portant une dénomination numérique dans La Cité-Limoilou doit son origine à la Quebec Land Company, qui développe le projet du « Parc Limoilou » en 1906. Grâce à une publicité sans précédent, des centaines de lots sont vendus entre 1906 et 1917 dans le quartier du Vieux-Limoilou alors que les terrains du quartier de Lairet sont développés plus tard, vers 1940.

Contrairement au Vieux-Limoilou, où prédominent les triplex sur des lots étroits, Lairet se distingue par ses duplex et ses maisons unifamiliales à deux étages sur des lots plus spacieux. Attirant un large éventail d'acheteurs, le style des habitations varie : on y trouve ainsi la maison Jules-Lessard à l’influence Art Déco, la maison Roland-Ste-Marie au style paquebot et la maison Roméo-Fillion au style vernaculaire industriel. Toutes ces maisons sont construites dans le développement des années 1940.

1909: Mise sur pied du Domaine Lairet par la compagnie Leclerc et Lamontagne

Dans le secteur plus à l’ouest, entre la 1re Avenue, les terrains de l’Exposition provinciale (ExpoCité) et la 18e Avenue, une seconde compagnie immobilière se lance en affaires. Fondée par le maire de Limoilou Eugène Leclerc (1865-1937) et le promoteur immobilier Eugène Lamontagne (1867-1941), la compagnie Leclerc et Lamontagne décide de mettre sur pied le projet du Domaine Lairet en 1909.

Les terres choisies se situent autour de la rivière Lairet. Aujourd’hui, celle-ci est presque entièrement canalisée. La rivière donne donc son nom au projet immobilier et, plus tard, au quartier de Lairet.

Bien que quelques constructions de ce projet voient le jour au début des années 1910, comme la maison Georges-Maheux et la maison Réal-Plante, il faudra attendre 1940 avant de voir la construction massive de bâtiments, majoritairement des plex en brique. Tout comme la Quebec Land Company, le projet séduit une clientèle variée issue de la classe moyenne.

Premier développement planifié par la compagnie du Parc Maufils

En 1909, soit la même année que le projet du Domaine Lairet, la compagnie du Parc Maufils transforme les terres agricoles du quartier de Maizerets, situées de part et d’autre du chemin de la Canardière, en zone résidentielle. Le projet est créé autour de trois larges artères : les avenues Maufils, De La Ronde et De Vitré. Le maire de Québec, Napoléon Drouin (1862-1934), préside la compagnie immobilière, assisté des frères Charles-Edmond (1868-1946) et Louis-Alexandre Taschereau (1867-1952). Au milieu des années 1930, on y compte au moins 80 maisons, souvent imposantes grâce à la grande taille des lots. Parmi les premières résidences construites, on retrouve la maison Jean-Baptiste-Vachon, la maison Pierre-Lauréat-Lortie, et la maison Narcisse-Édouard-Jobidon.

1916: Lotissement résidentiel pour l’élite locale par la compagnie du boulevard des Alliés (1916)

En 1916, à la suite de l’installation du parc de l’Exposition dans Lairet, la compagnie du boulevard des Alliés développe un projet de lotissement pour l’élite locale souhaitant s’installer aux abords du parc. À travers ses publicités, celle-ci fait la promotion d'une large avenue bordée de maisons luxueuses construites autour de la rivière Lairet.

Il s’agit de maisons cossues à l’ornementation riche qui témoigne des moyens financiers plus aisés des acheteurs. On retrouve notamment la maison Georges-Thibault et la maison Louis-Hamel conçue par l’architecte Joseph-Siméon Bergeon (1878-1955).

1923: Érection des maisons en rangée du Parc Saint-Charles

La compagnie du Parc Saint-Charles est également active dans le développement résidentiel du secteur de Maizerets. En 1912, elle fait l’acquisition du terrain au sud du chemin de la Canardière, qui longe à l’est celui de la compagnie du Parc Maufils. Le projet est centré autour de l’avenue Champfleury et le côté ouest de l’avenue Saint-Pascal. 

En 1923, deux projets immobiliers de « logements sanitaires » pour la classe ouvrière voient le jour sur l’avenue Champfleury (alors nommée Parc Saint-Charles). Le premier comprend 20 résidences unifamiliales comme le 1650, avenue Champfleury. Ces maisons de deux étages avec un toit plat sont regroupées en quatre rangées de cinq maisons, toutes sur le côté pair de l'avenue. L'entreprise Habitations de la Canardière, propriétaire des lots, est le promoteur du projet et l'architecte est Adalbert Trudel (1878-1934). Le second projet est mené par l’entreprise Eugène Lemay Ltée et comprend 22 résidences unifamiliales. Ces maisons en brique et en terracotta sont regroupées en deux rangées de cinq ou six maisons. Le 1445, avenue Champfleury en est un exemple.

Un dernier projet, comprenant 20 duplex vernaculaires industriels, est mené par le propriétaire et entrepreneur Albert Gingras en 1947. Ces bâtiments partagent plusieurs caractéristiques architecturales avec les ensembles construits en 1923, dont la petite taille des maisons, le peu d’ornementation et l’implantation en rangée, dite « terrasse », de celles-ci.

1943 : La maison Wartime pour répondre à la crise du logement

En raison de la crise économique des années 1930 et de la Seconde Guerre mondiale, les années 1940 sont marquées par un exode rural et une importante croissance de la population urbaine. Pour faire face à cette crise du logement, de nombreuses petites maisons unifamiliales de style « Wartime Housing » sont construites rapidement dans les banlieues de Québec.

Dans le quartier de Maizerets, la compagnie du Parc Saint-Pascal charge l'architecte Gabriel Desmeules (1902-1968) de concevoir quelques modèles de maisons faciles à construire et vend des terrains sur la rue de Vitré et de Villebon. En 1943, le projet prévoit l’ajout de cent maisons dans le quartier. Deux autres projets similaires sont menés : l’un par l’entrepreneur Ovide Jolicoeur (1911-1968) sur les avenues de Mont-Thabor et de l’Émérillon et, l'autre par l’entrepreneur Albert-Noël sur la 21e Rue et la 22e Rue dans le quartier de Lairet.

Sources

PATRI-ARCH Inventaire du patrimoine bâti des quartiers : Lairet, Maizerets, Vanier, Duberger, Les Saules, Neufchâtel-Est et Lebourgneuf à Québec. Ville de Québec, Québec, 2014, 204 p.

VILLE DE QUÉBEC Arrondissement de La Cité-Limoilou. Québec, 2016, coll. « Découvrir Québec », 124 p.

VILLE DE QUÉBEC Limoilou : à l’heure de la planification urbaine. Québec, 1987, coll. « Limoilou à l’heure de la planification urbaine », 60 p.

BERGERON GAGNON INC. Réseau structurant de transport en commun : évaluation du patrimoine bâti - tracé du tramway. Ville de Québec, Québec, 2021, 443 p.

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