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Sillery

Le sentier des Grands-Domaines-de-Sillery

Le sentier des Grands-Domaines-de-Sillery

Un sentier qui traverse le temps…

Au milieu du 19e siècle, de riches marchands et gentlemen-farmers d’origine britannique se partagent un territoire peu défriché à proximité de Québec et des anses à bois. De leurs vastes domaines pittoresques sur le promontoire, ils surveillent l’activité des chantiers en contrebas. D’autres érigent dans cette nature luxuriante des lieux de retraite où règne un art de vivre jusque-là inédit dans la région.

Après plus d’un siècle et demi, le site patrimonial de Sillery se distingue toujours par son patrimoine bâti et paysager. Le sentier des Grands-Domaines-de-Sillery dévoile une ère fascinante, celle du « royaume de Flore » décrit autrefois par l’historien James MacPherson Le Moine. Soigneusement préservés, des noyaux de maisons ouvrières, de luxueuses villas et des domaines religieux témoignent de l’esprit de l’époque.

Le projet au coût de 4,5 M$, dont 3 M$ proviennent du gouvernement du Québec, s’inscrit dans la mise en œuvre du Programme particulier d’urbanisme pour le site patrimonial de Sillery et ses environs adopté en 2015 à la suite des réflexions reçues des citoyens.  

La présence autochtone

Plusieurs fouilles archéologiques ont révélé des traces d’occupation autochtone depuis l’ère préhistorique à Sillery. Il y a environ 5 000 ans, des nomades fréquentent déjà le sommet de la falaise comme le boisé de Tequenonday, à la hauteur de la côte Ross. À l’époque, ce coin de verdure se trouve au bord du fleuve; l’eau descend ensuite jusqu’à 10 mètres pour atteindre son niveau actuel. Au fil des siècles, tant le promontoire que l’étroite terrasse qui longe le Saint-Laurent attirent les gens.

Les autochtones pêchent en bordure du fleuve depuis des milliers d’années. Les Iroquoiens pratiquent la pêche au harpon et au filet à Sillery pendant qu’ils occupent la région. Vers 1608, des Algonquiens campent et se ravitaillent au bas de Cataraqui, dans l’anse qu’ils appellent Kamiskoua-Ouangachit, un nom qui signifierait « pointe aux anguilles » ou « endroit où on vient pêcher ».

Datée de 1831, cette aquarelle de James Pattison Cockburn (1779-1847) dépeint Québec depuis la pointe à Puiseaux, à Sillery. Ce point de vue a été repris par de nombreux artistes au 19e siècle. Tous sont inspirés par cette percée sur le fleuve à travers une nature luxuriante.

Source : Bibliothèque et Archives Canada, MIKAN 2836101

Autochtones pêchant, vers 1700. Selon les Jésuites, la pêche dans l’anse de Sillery est prodigieuse : esturgeon, omble chevalier, barbue de rivière, doré, saumon, éperlan… L’explorateur Pierre Boucher écrit en 1664 qu’on y prend des anguilles « aussi grosses que la jambe d’un homme » !

Source : Gilcrease Museum, dessin de Louis Nicolas, Codex Canadensis, page 15.

De seigneuries à grands domaines

La grande séduction du promontoire de Sillery

Les grands domaines sont situés sur une partie de l’ancienne seigneurie de Sillery, concédée à la Compagnie de Jésus en 1651. Les Jésuites occupent le territoire entre les pointes à Puiseaux et Saint-Joseph depuis 1637. Ils y établissent une mission pour venir à la rencontre des autochtones qui fréquentent périodiquement les anses. À cette époque, sous le Régime français, le promontoire est couvert de boisés et de quelques terres en culture.

En 1800, le gouvernement confisque les biens des Jésuites et tente de les revendre. Les anses sont d’abord louées aux marchands de bois, qui y font commerce et se lancent dans la construction navale. Un blocus continental de l’Europe décrété par l’empereur français Napoléon Bonaparte en 1806, puis l’embargo des États-Unis l’année suivante forcent la Grande-Bretagne à s’approvisionner auprès de sa colonie.

Séduits par les immenses terres dominant le fleuve, ces marchands britanniques y érigent des maisons d’été à proximité de leurs chantiers en contrebas. L’ancienne seigneurie de Sillery est bientôt morcelée en cinq vastes propriétés : Sous-les-Bois, Benmore, Cataraqui, Clermont et Beauvoir.

Les nouveaux propriétaires commandent à leurs architectes de luxueuses villas munies de bâtiments agricoles et de dépendances afin d’assurer leur autonomie alimentaire. En 1869, les Religieuses de Jésus-Marie fondent un couvent à Sillery. C’est la première congrégation à s’établir sur le promontoire.

L’ère des grands domaines privés prend fin en 1972 avec le décès de Catherine Rhodes, la dernière résidente de Cataraqui.

Ce plan produit en 1879 illustre l’enfilade de grands domaines sur le promontoire de Sillery. Les seuils que le promeneur découvrira le long du sentier sont placés selon ces anciennes limites. Il comprend toutefois quelques erreurs dans la transcription de certains noms, en plus de situer la côte à Gignac au mauvais endroit.

Source : Atlas of the city and county of Québec, Henry Whitmer Hopkins, 1879. Musée de la civilisation, bibliothèque du Séminaire de Québec. Version colorisée produite avec l’aimable autorisation de la Commission de la capitale nationale du Québec.

Le quai de Sillery en 1908. On aperçoit au loin l’église catholique Saint-Colomb, aujourd’hui Saint-Michel. L’ancienne villa de Patrick McInenly transformée en presbytère se trouve à sa gauche.

Source : Bibliothèque et Archives Canada

Vue de l’anse de Sillery depuis la côte du même nom, vers 1880. Certains ouvriers demeurent dans de petites maisons sur le chemin du Foulon. À une certaine époque, on y trouve également la villa de John Sharples, Sillery House, l’une des rares résidences luxueuses construites au bas du cap.

Source : Archives de la Ville de Québec, Fonds Victor Livernois, P069-N010949

De petites maisons de bois sont construites au pied de la falaise de Sillery à partir du milieu du 19e siècle. Certaines seront agrandies au fil du temps et subsistent toujours dans l’ancien noyau ouvrier du chemin du Foulon.

Source : Bibliothèque et Archives nationales du Québec, P547,S1,SS1,SSS1,D677, P073

Des villages ouvriers

Un vaste espace à habiter

Vers le milieu du 19e siècle, les petites maisons adossées au pied de l’escarpement sur le chemin du Foulon ne suffisent plus à loger les travailleurs. Les grands propriétaires lotissent alors des parcelles de leurs domaines pour former des noyaux ouvriers, dont ceux de Bergerville (à l’origine Sheppardville) et de Nolansville.

En 1847, une crise ébranle l’industrie du bois. L’homme d’affaires Patrick McInenly doit alors céder la majeure partie de son domaine longeant l’actuelle côte de Sillery. L’église de Saint-Colomb, aujourd’hui nommée Saint-Michel, est construite sur l’ancienne propriété de McInenly, tandis que sa villa à deux étages devient la chapelle Saint-Richard. Elle est ensuite convertie en presbytère lorsque l’église de Sillery s’ouvre au culte, en 1854.

Une vingtaine de petites maisons apparaissent au cours de la décennie suivante et créent le « village » de la côte. La population de Sillery est alors plutôt diverse. Originaires d’Angleterre, d’Écosse ou d’Irlande, les marchands anglophones sont de confession anglicane ou catholique. Les ouvriers et les journaliers, en majorité canadiens-français ou irlandais, sont généralement catholiques.

L’abbé Peter Henry Harkin (1810-1873) est le premier curé de la paroisse. Faute de terrain suffisant à proximité de l’église, il est contraint d’aménager le cimetière à bonne distance, sur la route Saint-Ignace. Cette artère porte maintenant le nom de boulevard René-Lévesque en l’honneur de l’ancien premier ministre du Québec, inhumé en 1987 dans ce cimetière.

Source : Bibliothèque et Archives nationales du Québec, Fonds J. E. Livernois Ltée, P560,S2,D1,P508

Vue de l’îlot paroissial de Saint-Michel depuis la coupole du couvent des religieuses de Jésus-Marie, au tournant du 20e siècle.

Source : Bibliothèque et Archives nationales du Québec, P547,S1,SS1,SSS1,D677,P102

Des bénévoles posent ici devant le presbytère de l’église de Saint-Michel. À l’automne 1898, près de 150 paroissiens participent à des corvées à l’invitation du curé Alexandre Eustache Maguire (1854-1934). Ils prolongent vers le nord la côte de l’Église, aujourd’hui nommée côte de Sillery. Inauguré en 1900, le chemin est rebaptisé avenue Maguire en 1924.

Source : Archives de la paroisse de Saint-Michel-de-Sillery

Vivre en parfaite autonomie

Des domaines autosuffisants

Les propriétaires de domaines construisent des serres et exploitent jardins et vergers afin d’assurer leur autonomie alimentaire. Ils ajoutent aussi des dépendances, dont la laiterie et le caveau à légumes, pour conserver les denrées. Gérer un tel domaine requiert beaucoup de personnel. Outre les domestiques de la maison, de nombreux ouvriers soignent les animaux, entretiennent les bâtiments agricoles et récoltent les céréales pour nourrir les bêtes. Une main-d’œuvre qualifiée s’occupe des potagers et des arbres fruitiers.

Certains propriétaires font l’élevage commercial d’animaux : bovins, moutons, porcs, chevaux, lapins ou volailles. À Benmore, William Rhodes est reconnu pour l’excellente santé, la vigueur et la beauté de son troupeau porcin. Il préside d’ailleurs la Société d’horticulture lorsque celle-ci contribue à créer l’Ordre du mérite agricole, un concours tenu chaque année depuis 1889.

Dès lors, les propriétaires rivalisent plus que jamais dans la construction de grandes serres et la recherche de jardiniers réputés. Les gentlemen-farmers des hauteurs de Sillery remportent nombre de prix dans les foires agricoles régionales et même des distinctions internationales.

Des vaches paissent devant Cataraqui, vers 1890. La plupart des bâtiments de ferme construits sur les anciens domaines de Sillery ont aujourd’hui disparu, comme ceux de Benmore. Certains subsistent toutefois au parc du Bois-de-Coulonge et à Cataraqui.

Source : Collection de Mme Pauline Levey

Importer du verre devient plus abordable en 1845, quand l’Angleterre abolit sa taxe sur le produit (glass tax). Les propriétaires de domaine à Sillery en profitent pour construire des serres qui rivalisent de grandeur. À Cataraqui, Charles E. Levey en fait bâtir derrière la villa, en 1880. La serre horticole, à gauche, sera modifiée dans les années 1920.

Source : Collection de Mme Pauline Levey

Les charcottes

Un paysage hérité du 19e siècle

Les « charcottes » sont d’anciens sentiers formés naturellement dans la falaise par le passage répété des travailleurs. Elles offrent un trait d’union entre deux univers, ceux des « gens d’en haut » et des « gens d’en bas ». Au 19e siècle, les anses grouillent de journaliers engagés par les marchands de bois et constructeurs de navires. Au contraire, sur les vastes domaines au sommet de la falaise, les maîtres des lieux mènent une vie paisible.

Les grands patrons profitent des belvédères érigés près de l’escarpement pour surveiller l’activité des anses. Ces postes d’observation offrent une vue remarquable. Un marchand de bois peut scruter les eaux du fleuve pour voir une cage, immense convoi de billots, flotter jusqu’aux quais. Puis, en se tournant vers le nord, il peut admirer les plates-bandes, les fontaines et les jardins qui agrémentent sa villa.

La vue sur les chantiers depuis le parterre du domaine Cataraqui, vers 1880. Des sentiers tracés dans la falaise de Sillery relient le promontoire aux berges du Saint-Laurent. On appelle ces raccourcis des « charcottes », d’après le mot anglais shortcut.

Source : Collection de Mme Pauline Levey

Par endroits, la vue sur le fleuve à partir du promontoire de Sillery est plus clairsemée. Certains propriétaires n’hésitent pas à abattre des arbres pour préserver cette perspective en été, comme ici au bas de Cataraqui, vers 1920. Plusieurs spécimens remarquables ont néanmoins survécu.

Source : Université McGill, Fonds Rhodes/Tudor-Hart